• Handicap psychique et entreprise

     Article paru sur https://www.mondedesgrandesecoles.fr/ écrit par Robin Jund  le 

    Les stéréotypes menacent l’emploi des travailleurs handicapés

    L’accès à l’emploi reste difficile pour les travailleurs handicapés, surtout pour ceux souffrant d’un handicap psychique. Les stéréotypes véhiculés dans le monde de l’entreprise influencent leurs comportements et celui des employeurs et des collègues, menaçant leur bonne intégration. Des modifications simples du contexte de travail peuvent aider à lutter contre ces stéréotypes.

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    2.9 millions d’actifs bénéficient d’une RQTH, un chiffre en hausse depuis plusieurs années grâce notamment au travail de sensibilisation de l’AGEFIPH. Si en décembre 2022 le taux de chômage tout actif confondu est de 7.4 %, il est de 13 % pour les travailleurs handicapés (Observatoire de l’emploi et du handicap, « Emploi et chômage des personnes handicapées », 2022). Bien que la situation s’améliore chaque année, l’accès à l’emploi reste donc difficile. Ceci est d’autant plus vrai en ce qui concerne le handicap psychique. Ainsi, seuls 19% des personnes en situation de handicap psychique sont en emploi Enquête Unafam auprès des familles adhérentes, 2016), alors que 38 % des travailleurs handicapés le sont. Ceci peut en partie s’expliquer par la nature du handicap lui-même (rupture du lien social, difficulté à initier une action… Centre de Ressources sur le Handicap Psychique), qui nécessite des considérations spécifiques intégrées dans la Loi Travail de 2016. Il nous semble toutefois opportun de nous interroger sur les représentations véhiculées dans le monde de l’entreprise. Les stéréotypes existant à l’égard des handicapés psychiques influencent de manière congruente avec le stéréotype le comportement des employeurs et collègues, mais aussi celui des cibles. Nous proposerons des modifications simples du contexte pouvant améliorer la situation de travail des personnes souffrant d’un handicap psychique.

    Une population particulièrement stigmatisée

    Bien que les données soient peu nombreuses, les enquêtes de l’OMS mettent en lumière un certain nombre de stéréotypes associés aux personnes en situation de handicap psychique.

    Les stéréotypes sont « un ensemble de croyances partagées à propos des caractéristiques personnelles, généralement des traits de personnalité, mais aussi des comportements propres à un groupe de personnes » (Leyens, Yzerbyt et Schadron, 1994)

    Quand on interroge la population générale française, les « fous », les « malades mentaux » et les « dépressifs » sont jugés irresponsables, dangereux, associables, incurables… Ils sont aussi étiquetés moins compétents que des personnes non-handicapées (Voir par exemple Caria A. et al., 2010). Voici la problématique en ce qui concerne l’emploi et le monde de l’entreprise : quel recruteur souhaiterait avoir dans son équipe des collaborateurs « dangereux » et « incompétents » ? Ceci peut expliquer que seuls 15% des recruteurs estiment que le handicap psychique est « plutôt facile à intégrer dans l’entreprise » (Baromètre Agefiph – Ifop, 2022). Les handicapés psychiques sont alors moins souvent recrutés, et d’un stéréotype émerge une discrimination.

    Handicap psychique et stéréotypes

    Les stéréotypes dont nous pouvons être la cible impactent aussi nos propres comportements. L’effet de « menace du stéréotype » (Stereotype threat, Steele et Aronson, 1995) en est un parfait exemple. Dans une situation où le stéréotype dont je suis victime s’applique, je me sens jugé et j’éprouve de l’anxiété, ce qui réduit mes capacités attentionnelles et ma capacité à agir dans cette situation. Par peur de confirmer le stéréotype qui vise mon groupe, j’augmente la probabilité d’agir dans un sens congruent avec ce stéréotype et donc celle de le confirmer. Nous l’avons vu, les handicapés psychiques sont ciblés par un stéréotype lié à leurs compétences qui est applicable en milieu de travail. Bien que la maladie mentale soit un handicap invisible, cette menace du stéréotype peut se produire dès que le handicap est révélé (Quinn, Kahng et Crocker, 2004), par exemple en fournissant une RQTH à son employeur.

    Alors que faire ?

    Il est simple et pourtant primordial de sensibiliser et former les collaborateurs aux processus de stéréotypie, préjugé et discrimination. Ceci permet de limiter les effets des stéréotypes sur nos jugements. Par exemple lors d’un entretien de recrutement, nous accorderons plus d’importance aux caractéristiques propres à la personne (ses expériences, ses compétences…) qu’à son appartenance groupale (i.e. une personne handicapée psychique), nous serons plus empathiques, plus vigilants sur nos conclusions (les stéréotypes sont des croyances et non des vérités), etc. Cela réduira aussi la menace du stéréotype, puisqu’elle diminue lorsque la personne est consciente de son existence (Pour une revue sur la menace du stéréotype et ses voies d’atténuation, voir Désert, Croizet et Leyens, 2002). L’inclusion est aussi à privilégier. Il a été démontré qu’inclure des handicapés psychiques au sein d’associations sportives déclenchait chez autrui admiration et collaboration (Fontayne et Chalabaev, 2016). Une raison de plus de développer l’activité physique en entreprise pour tous et de lutter également contre la sédentarité professionnelle !

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    L’auteur est Robin Jund, Docteur en psychologie sociale, Directeur de la Transition Socio-Ecologique et de la Fondation, ESC Clermont Business School

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