• La loi change la donne

    Article paru sur business.lesechos.fr le 27 mai 2019

    La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, complétée par la loi Pacte, bouleverse la politique « handicap » des entreprises, les obligeant à privilégier l'emploi direct des personnes concernées. Les achats responsables deviendront une alternative vertueuse

    Ces derniers mois, un changement de paradigme s'est opéré en matière  d'emploi par les entreprises de travailleurs en situation de handicap …

     

     

    Toutes les initiatives partent d'une situation d'impuissance face au taux de chômage de ces personnes, deux fois supérieur à la moyenne nationale à 18 %. Le 12 juillet 2018, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et Sophie Cluzel, la secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées ont signé l'engagement national « Cap vers l'entreprise inclusive 2018-2022 ». Elles l'ont fait avec trois entités : l'Union nationale des entreprises adaptées (Unea), l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales, et de leurs amis (Unapei) et l'APF France handicap. Ce dispositif prévoit de créer 40.000 emplois supplémentaires dans les entreprises adaptées (EA) d'ici à 2022. Il a été renforcé par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018, qui définit - pour la première fois - le cadre juridique des entreprises adaptées afin de les rapprocher des organisations de droit commun.

    L'enjeu des bonnes relations entre ces diverses entités est d'autant plus important que le mécontentement gronde. Le premier baromètre réalisé par l'entreprise adaptée Inspirience et le cabinet d'études et de conseil Occurrence, à l'occasion de la 4e édition, ce 28 mai, du Salon Handicap, Emploi et Achats responsable du groupe Les Echos-Le Parisien, confirme cette forte insatisfaction professionnelle. L'indicateur révèle, en effet, que seulement un tiers des personnes en situation de handicap - travaillant ou ayant travaillé - perçoivent un fort engagement de leur société en faveur de leur intégration. 

    Voulant responsabiliser les entreprises, le gouvernement a donc choisi de favoriser une politique d'emplois directs. Que change véritablement cette réforme, enrichie par la loi Pacte relative à la croissance et à la transformation des entreprises, promulguée le 23 mai dernier ?

     

    La notion d'emploi direct

    Dès 2020, une entreprise de plus de 20 salariés, organisée en plusieurs sites de moins de 20 collaborateurs chacun, sera tenue par l'obligation d'emplois directs de 6 % en faveur de personnes en situation de handicap.

    Les organisations à moindres effectifs recourront, quant à elles, au fichier de la déclaration sociale nominative (DSN) pour signaler leur nombre de travailleurs en situation de handicap. « Sachant que 96 % des entreprises en France emploient moins de 20 salariés, cette obligation devrait permettre un vrai dialogue sur le handicap là où il est nécessaire : au coeur même de l'entreprise. C'est une étape préalable au changement : de la RSE à l'entreprise inclusive », analyse Anna-Christina Chaves, avocate associée en droit social du cabinet Stehlin & Associés.  « Toutes les personnes en situation de handicap, qu'elles soient à temps plein ou non, en CDI, en CDD ou en stage, seront prises en compte dans le calcul de ce seuil », détaille l'avocate. 

    Jusqu'à présent, la loi handicap du 11 février 2005 imposait aux seules entreprises de plus de 20 salariés d'employer des travailleurs handicapés à temps plein ou à temps partiel à hauteur de 6 % des effectifs.

     

    Recrutement ou achats auprès d'entreprises adaptées

    Pour atteindre ce taux, les entreprises ont deux possibilités : le recrutement ou l'achat de prestations auprès d'entreprises adaptées, d'établissements et services d'aide par le travail et de travailleurs indépendants handicapés. Si les 6 % ne sont pas atteints, elles sont redevables d'une amende auprès de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

    Dès 2024, le taux de 6 % de salariés handicapés recrutés directement sera un minimum obligatoire. Les achats responsables deviendront alors une alternative. Et si les organisations ne respectent pas cette contrainte, elles devront s'acquitter d'une amende. Celle-ci sera désormais recouvrée par l'Urssaf et non plus par l'Agefiph. D'ici cinq ans, les contrôles de cette administration couvriront aussi les politiques handicap des entreprises. A noter encore : la loi « avenir professionnel » prévoit de réviser à la hausse le taux de recrutement des personnes en situation de handicap tous les cinq ans en fonction du marché de l'emploi.

     

    Prise en compte ou non des achats responsables

    Cette législation sonne-t-elle le glas des achats responsables auprès du secteur adapté ? « Dès lors que les achats responsables permettront de réduire - même indirectement - le montant de la contribution Agefiph, la tendance ne devrait pas s'inverser », estime Anna-Christina Chaves dans l'attente de la publication, d'ici la fin de la semaine, du décret détaillant la prise en compte d'une politique d'achats responsables dans la diminution du montant de l'amende. 

    D'après nos informations, pour les entreprises employant moins de 3 % de travailleurs handicapés (au lieu des 6 % demandés), leurs achats responsables devraient leur permettre de minorer leur amende de 50 %.Si ces salariés représentent entre 3 % et 6 % de leurs effectifs, mais qu'elles disposent d'une politique d'achats responsables bien établie, les organisations pourront bénéficier d'une baisse de 75 % du montant de la contribution. « Les entreprises pourront continuer à valoriser les achats responsables, ce sont seulement les modalités de valorisation de ces achats qui évoluent », commente Didier Eyssartier, directeur général de l'Agefiph. Pour aider les organisations à estimer le niveau de leur éventuelle contribution post-réforme, l'Agefiph met un simulateur à disposition des entreprises dès le 28 mai. 

     

    Impact sociétal

    « Tout l'enjeu de cette réforme est d'expliquer aux entreprises que les achats responsables sont valorisés différemment, et que ce qui compte réellement c'est l'impact sociétal de leurs achats et de leurs actions », considère le directeur général.

    Dans cet esprit, la loi Pacte - qui consacre par ailleurs la  raison d'être des entreprises - compte attribuer un label aux «meilleurs élèves ». Rappelons aussi que l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap et les politiques d'achats responsables peuvent s'avérer être un facteur déterminant dans le cas d'un appel d'offres, d'une notation extrafinancière ou encore de l'appréciation globale d'une politique RSE.  « L'enjeu sociétal que représente l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap ne doit pas faire l'objet d'un traitement isolé », défendait dans « Les Echos », Serge Widawski, directeur national APF Entreprises,  le réseau national du secteur adapté et protégé .

     

    Qu'est-ce qu'un achat responsable ?
    D'après la définition de l'Afnor, l'Association française de normalisation, l'achat responsable, « c'est acheter en préservant de manière équilibrée et pérenne l'intérêt environnemental, social et économique de l'ensemble des parties intéressées » ; le tout en « servant la performance de l'organisme donneur d'ordre à court, moyen et long termes ».
     
     

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :